Sécurité Privée : comparaison avec le modèle Espagnol?
Prochainement des agents de sécurité privée comme en Espagne
Le ministre de l’Intérieur souhaiterait renforcer le rôle des sociétés de sécurité privée. Cette initiative est déjà en œuvre en Espagne, où les agents de sécurité s’entrainent comme les policiers.
Confier davantage de missions de sécurité à des sociétés privées, voilà le souhait de Gérard COLLOMB. Plusieurs pays européens, comme l’Espagne, ont déjà sauté le pas. Il y a ainsi plus d’agents de sécurité privés que de policiers et de gendarmes réunis. En Espagne, nombre d’entre eux s’entrainent au tir à balle réelle, comme des policiers. Une pratique très encadrée par les autorités espagnoles : uniforme obligatoire, matricule sur la poitrine, menottes et matraque au ceinturon.
I. La relation Etat – sécurité privée
En Espagne, les relations entre l’Etat, notamment les forces publiques de sécurité, et la sécurité privée ont atteint un haut niveau de maturité : ce pays a probablement près de 20 ans d’avance sur la France en matière de relations Etat / sécurité privée.
La rupture avec le franquisme, le terrorisme basque, la croissance économique dans les années 1980 et début 1990 et l’implication forte de la Police dans la transformation de la sécurité privée expliquent que le cas espagnol soit souvent, et à juste titre, érigé en modèle du point de vue du fonctionnement et de l’utilisation de la sécurité privée. Aboutir à une relation «gagnant-gagnant» entre les forces publiques et la sécurité privée semble être un objectif recherché par tous les partenaires.
On peut parler d’une professionnalisation de cette relation en Espagne, là où l’on parle seulement de professionnalisation de la sécurité privée en France. Pour l’Espagne, il s’agit d’avancer davantage encore dans la voie de la sécurité privée comme «auxiliaire» des forces et corps de sécurité de l’Etat – «auxiliaire» étant le statut juridique officiel de la sécurité privée.

II. Les spécificités du système de sécurité espagnol
Au titre des spécificités du système de sécurité espagnol, comparé à la France, on notera :
- l’interdiction des services internes de sécurité ;
- l’obligation pour un certain nombre et type d’entreprises d’avoir des directeurs de la sécurité;
- l’obligation de formation (400 heures) et d’habilitation des directeurs de la sécurité des entreprises ;
- l’existence de garanties financières pour créer une entreprise privée de sécurité;
- la transmission des éléments contractuels en matière de sécurité privée à la Police, pour validation (base de données SEGURPRI) ;
- l’obligation pour les agents de sécurité privée de porter un «tonfa» et des menottes;
- des uniformes qui ressemblent davantage à ceux des forces publiques qu’à des costumes trois pièces;
- un taux d’armement des agents privés de sécurité à hauteur de 25 % ;
- l’Unité Centrale de Sécurité Privée, constituée de près de 500 policiers, la Guardia civil n’ayant qu’un rôle secondaire;
- le contrôle des centres de formation par la police, la formation étant intégrée dans la loi de 1992 sur la sécurité privée;
- l’organisation des sessions d’examen par la Police nationale et un jury composé de membres du Corps National de la Police;
- l’existence d’une épreuve physique lors de l’examen pour devenir agent privé de sécurité;
- l’obligation d’un recyclage annuel de 20 heures pour les agents de sécurité privée;
- rendre obligatoire de repasser l’examen initial lorsque l’agent a été inactif ;
- l’obligation de coopération des agents privés, notamment des détectives privés, avec les forces publiques;
- l’existence d’un centre d’appel quasiment dédié, tenu par la police, au service des agents privés de sécurité, pour leur donner la marche à suivre le cas échéant ou recueillir des informations ;
17. la rédaction de documents de planification et de coordination entre les forces publiques et la sécurité privée .
III. Les difficultés
Des difficultés persistent néanmoins, mais sont à replacer dans le contexte d’un fonctionnement qui donne satisfaction à tout le monde : «Il est toujours possible de mieux faire…», c’est dans cette optique qu’il faut comprendre les problèmes évoqués. Les Espagnols sont fiers de leur système de sécurité privée, savent que les autres pays le présentent comme un modèle, et eux-mêmes n’hésitent pas à le faire.
Au titre de ces points faibles ou difficultés, on peut noter :
1. l’absence de véritables filières «métiers» pour les agents de sécurité, malgré une formation initiale de 400 heures et un recyclage annuel de 20 heures;
- une attractivité, une reconnaissance mais des salaires qui restent faibles ;
- le développement de «services auxiliaires», infra-sécurité, qui tendent, illégalement, à assurer des missions de sécurité privée, alors que ce n’est pas leur rôle;
- des videurs de discothèques et bars généralement non habilités, du fait de la crainte des dirigeants d’avoir des dénonciations de la part des agents de sécurité;
- des commissions mixtes paritaires de la sécurité privée qui ne semblent pas avoir une production très utile;
- un taux de fausses alarmes de 80 à 90 %, générant beaucoup d’amendes, mais qui devrait se réduire dans les années futures du fait d’une nouvelle normalisation entrée en vigueur en 2011;
- Certains secteurs ont encore mauvaise réputation (les discothèques, les lieux de vie) et donnent lieu à quelques faits divers.
IV. L’armement des agents
Près de 30 000 agents de sécurité espagnols sont armés, soit 3 fois plus qu’en France. Pour travailler sur des sites sensibles, ces agents doivent réussir leurs exercices de tir chaque année. « Je n’ai utilisé mon arme qu’une seule fois, pour dissuader. J’ai tiré en l’air pour le calmer ; c’était un homme avec un couteau« , explique l’un d’eux. Ces agents de sécurité protègent habituellement des entrepôts de la police, des sites ultra sécurisés qui nécessitent le port d’armes à feu.